Projet de loi de réforme de la justice : l’open data des décisions de justice

Projet de loi de réforme de la justice : l’open data des décisions de justice

L’Assemblée nationale étudie en ce moment le projet de programmation de la justice 2018-2022 et de réforme. Ce projet important a une double ambition : destiné à faire de la justice un service public plus accessible, avec un fonctionnement plus simple, mais aussi destiné à renforcer le volet pénal de notre droit avec des peines plus efficaces grâce à un vrai travail sur le sens de la peine ainsi qu’une diversification de la prise en charge des mineurs délinquants.

Ce projet de loi prépare la transition aussi bien administrative que pénale de notre système judiciaire.

Dénoncé depuis de nombreuses années, la justice croule sous le poids d’une activité soutenue l’empêchant de remplir suffisamment son rôle. La justice, c’est chaque année plus de 3 millions d’affaires avec des délais de jugement qui ne cessent d’augmenter. Aujourd’hui, les citoyens se retrouvent face à la complexité des procédures juridictionnelles, un manque de lisibilité sur les compétences des tribunaux mais aussi un maillage territorial obscur. Si ce volet administratif doit faire l’objet d’une réforme structurelle pour répondre aux exigences principielles de la justice (transparence, accessibilité, lisibilité), le volet pénal doit lui aussi être adapté.

Aujourd’hui les prisons débordent : 70 000 personnes sont enfermées alors même que la capacité des prisons est de 58 000 places. Cette situation est intenable aussi bien pour les détenus car concourant à une dégradation de la politique de réinsertion mais aussi pour le personnel de la justice : agents pénitentiaires, greffiers, magistrats, qui font fasse à une pression croissante.

Depuis le début du quinquennat la justice fait partie des chantiers prioritaires, avec des investissements sans précédents, ce projet de loi en est la traduction.

Chaque député de la commission des lois s’est spécialisé sur un sujet sur ce projet de loi très dense, selon ses compétences. Je me suis tout particulièrement penchée sur l’open data des décisions de justice. Ce sujet est loin d’être cosmétique comme l’a déclaré la Garde des Sceaux devant la Commission des lois de l’Assemblée nationale le 24 janvier 2018 que « L’open data se trouve à la confluence de principes fondamentaux, tels que la publicité et la transparence de la justice, le respect de la vie privée des justiciables et des professionnels de la justice et, surtout, la protection des données à caractère personnel. » lors de l’étude de la loi relative à la protection des données personnelles.

Véritable enjeu de publicité et transparence de la justice, l’open data des décisions de justice doit être à la hauteur.

L’open data se définit comme la publication en format libre, ouvert, accessible à tous et réutilisable des décisions de justice. Autrement dit, tout à chacun aura la faculté de consulter en ligne les jugements rendus par les juridictions. Ce principe est d’autant plus important que nul n’est censé ignoré la loi, or la jurisprudence constitue une des sources principales de notre droit. Témoigne de l’importance de ce sujet le débat que nous avons eu en commission des lois qui a duré près de deux heures, où chaque groupe politique a pu s’exprimer et développer sa vision.

J’ai, en ce sens, proposé une série d’amendements destinés à attribuer à l’open data toute la place qu’il mérite. S’il fallait trouver un juste équilibre entre le respect de la vie privée des justiciables et la sécurité des magistrats, nous avons atterri sur un dispositif de compromis satisfaisant. Demain, toutes les décisions de justice seront donc accessibles en ligne, amputées des éléments permettant d’identifier les justiciables. S’agissant des magistrats lorsqu’il y aura une crainte pour leur sécurité ou le non-respect de leur vie privée, des éléments pourront aussi être retranchés.

Une question est restée en suspens entre la commission des lois et la séance publique : celle de la réutilisation du nom des magistrats. Plusieurs ont eu la désagréable surprise de se voir attribuer un classement en fonction des décisions qu’ils ont pu rendre, ainsi certains étaient qualifiés de laxistes tandis que d’autres étaient qualifiés d’intraitables. L’accès des décisions de justice en ligne a permis à  plusieurs acteurs de développer une forme de justice prédictive grâce à ses classements souvent biaisés car ne reprenant que quelques décisions pour nourrir les algorithmes. La justice doit pouvoir être rendue sereinement, si l’open data des décisions de justice est une avancée pour la société, elle ne peut pas se faire au prix d’une décrédibilisation de nos juges. Ainsi, nous avons adopté un amendement visant à interdire de réutiliser le nom des magistrats dans un but de classement, de prédiction ou d’évaluation.

 

Actuellement, le projet de loi de réforme de la justice est toujours en discussion au sein de l’hémicycle, les débats devraient se terminer à la fin de la semaine prochaine.

 

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