Mes interventions en faveur de la dépénalisation de l’avortement en Argentine
Le 3 mai dernier, j’ai participé à une audition à la Chambre des députés d’Argentine dans le cadre des discussions préliminaires à l’étude du projet de loi de légalisation de l’avortement en Argentine pour apporter mon témoignage sur l’expérience française. Retrouvez-mon discours en vidéo ci-dessous (2:34:20), ainsi qu’une colonne d’opinion parue sur le journal d’information en ligne Infobae.
La vidéo de mon discours
Ma tribune parue sur le site Infobae
L’avortement, pour des raisons non médicales, a été légalisé en France en 1975 par la loi Veil, qui porte le nom de Simone Veil, ancienne Ministre de la Santé et aujourd’hui symbole de la lutte pour l’égalité entre femmes et hommes. En tant que députée de l’Assemblée nationale, de parents argentins, je voudrais partager quelques perspectives à la lumière de la réalité française 43 ans après la légalisation de l’avortement, en espérant qu’elles puissent inspirer les législateurs de la République argentine.
Citant Simone Veil, le projet de loi de légalisation de l’avortement cherchait à « mettre fin à une situation de désordre et d’injustice et à apporter une solution mesurée et humaine à un des problèmes les plus difficiles de notre temps ». Je suis convaincue que ces motifs conservent toute leur force et leur pertinence aujourd’hui, en Argentine comme dans tous les pays où l’avortement pour des raisons non médicales reste illégal.
Nous arrivons à un point où les autorités publiques ne peuvent plus fermer les yeux face un problème critique qui concerne l’ensemble de la société. L’État ne peut échapper à sa responsabilité de garantir la santé de toutes les femmes qui avortent annuellement en Argentine. Le Congrès ne peut pas maintenir une législation répressive qui condamne ces femmes non seulement à la stigmatisation, la honte et la solitude, mais aussi à l’angoisse des procès judiciaires.
Nous avons besoin d’une politique publique moderne, comme celle que Simone Veil envisageait à l’époque, qui nous permettra non seulement de répondre à l’immense défi de santé publique auquel nous sommes confrontés, mais aussi de garantir les conditions nécessaires pour que les femmes prennent des décisions appropriées. Dans cette recherche, Simone Veil n’était pas guidée par une « fausse compassion », comme il a été possible de l’énoncer, mais par l’affirmation courageuse et persévérante des droits des femmes.
Quarante-trois ans après la légalisation de l’avortement, la France est aujourd’hui un pays où les femmes ont le droit de décider, avec tout le soutien du service de santé publique, afin d’affronter une telle décision de manière responsable, informée, sûre et libre. La légalisation de l’avortement en France n’a pas du tout coïncidé avec une massification de cette pratique. Au contraire, cette politique a permis la substitution des avortements clandestins et dangereux par des avortements légaux et sûrs. De 300 000 avortements clandestins avant 1975, nous sommes passés à 250 000 avortements légaux après la mise en œuvre de la loi Veil, un chiffre qui s’est stabilisé aujourd’hui à environ 220 000 avortements par an.
L’avortement n’a pas non plus été banalisé et n’est pas considéré comme une méthode contraceptive de plus. En raison de son caractère exceptionnel, toute femme qui veut avorter doit passer par deux rendez-vous obligatoires avec un médecin, au cours desquels toutes les informations nécessaires lui sont données afin qu’elle puisse prendre une décision autonome et responsable, notamment en ce qui concerne les différentes méthodes d’avortement disponibles (chirurgical ou médicamenteux), les délais nécessaires, ainsi que les conséquences physiques et psychologiques de l’intervention. Les deux entretiens doivent être suffisamment espacés pour laisser le temps à la réflexion. Un rendez-vous psychosocial est également proposé, lequel est obligatoire pour les jeunes femmes mineures.
Le cas français démontre également que la légalisation de l’avortement peut aller de pair avec une politique ambitieuse en faveur des familles. La France est aujourd’hui le pays avec la démographie la plus dynamique d’Europe, avec un taux moyen de fécondité de 2 enfants par femme. La France consacre pas moins de 4% du PIB à différentes mesures de soutien à la famille, telles que des subventions mensuelles et un soutien aux familles nombreuses, des mesures légales pour assurer une insertion postnatale en douceur et un vaste réseau de garderies gratuites.
La dépénalisation de l’avortement en France n’a pas cherché à promouvoir l’avortement, mais à stopper les décès issus de ces pratiques clandestines. Il ne s’agissait pas de détruire nos valeurs, mais de garantir aux femmes le droit de disposer de leur corps et d’attaquer directement un problème de santé publique. La réponse de la société a été très positive : aujourd’hui 75% de la population française est d’accord avec le cadre légal existant, alors que seulement 6% aimeraient revenir à une dépénalisation limitée aux cas où la vie de la mère est en jeu, et les 19% restants apporteraient des dispositions mineures et circonstancielles au dispositif.
Aujourd’hui, l’Argentine a la possibilité d’écrire une autre page de la démocratie et de décider que la santé des femmes et le droit de décider sont la priorité. Aujourd’hui, l’Argentine a l’opportunité d’inspirer d’autres pays d’Amérique latine à suivre la voie de l’égalité des sexes et de la protection des femmes.
Paula Forteza et Patrice Léger
One Reply to “Mes interventions en faveur de la dépénalisation de l’avortement en Argentine”
Bravo ,
Merci !