Rencontres #6: les “Centres de formation et de travail à distance (CDS)” et le label d’informatique équitable de Roland Despinoy (Salvador)

Rencontres #6: les “Centres de formation et de travail à distance (CDS)” et le label d’informatique équitable de Roland Despinoy (Salvador)

Voici un sixième portrait de notre série d’articles intitulée “Rencontres”.
Il s’agit à travers ces interviews de mettre en avant vos histoires, concitoyens ou francophones, qui vivez à l’étranger et vous lancez dans des aventures associatives, entrepreneuriales ou culturelles.
Cette fois nous dédions cette rubrique à Roland Despinoy, entrepreneur et responsable d’une ONG, que j’ai rencontré lors de mon dernier déplacement au Salvador et qui nous parle d’un projet d’intérêt général formateur, inclusif, et écologique !

Qui est Roland Despinoy ? Après avoir créé sa première start-up à Paris lors de son cursus à Supélec en 2005, Roland Despinoy, âgé alors de 23 ans, décide de se confronter à un défi entrepreneurial en s’installant seul au Salvador, avec la conviction profonde que dans le domaine de la décentralisation du travail informatique, il y a beaucoup de choses à faire, et que le talent humain n’a pas de frontière.

Il a fondé sa société Central American Software Services qui exporte en France et aux Etats-Unis des applications informatiques réalisées sur mesure. Nommé Conseiller du commerce extérieur de la France au Salvador en 2009, il en exerce son troisième mandat et il est actuellement président de la fédération salvadorienne des entreprises de technologie d’information et de la communication (CASATIC).

Roland Despinoy, responsable d’une ONG au Salvador réponds à nos questions

Pourriez-vous nous parler des Centres de formation et de travail à distance (CDS) et du label d’Informatique équitable « Fair programming » que vous avez développé ?

Au Salvador, pays avec l’un des taux d’homicide par habitant les plus élevés au monde, les communautés les plus impactées par la violence armée des gangs sont fortement stigmatisées et le simple fait de vivre dans l’un de ces quartiers est un facteur pratiquement disqualifiant à l’accès à l’emploi formel. De plus les difficultés pour se déplacer, souvent sanctionnées par la mort, amène les étudiants à abandonner l’école et à travailler, forcé ou non, pour l’un de ces gangs armés. Pour ces personnes discriminées (jeunes, femmes, personnes LGBT), le principal espoir réside dans l’émigration vers les Etats-Unis.

C’est donc dans cet environnement compliqué que j’ai conçu ces deux concepts – les Centres de formation et de travail à distance (CDS)et de la programmation équitable (Fair programming) – qui permettent de répondre à des enjeux sociétaux comme l’inclusion, le développement durable, et l’accessibilité.

Concrètement, les centres de formation sont implémentés dans ces zones difficiles avec pour objectif de lutter contre les contraintes de déplacement en les réduisant tant pour la formation que pour l’emploi (travail à distance). Cette activité se déploie autour d’organismes reconnus, comme la Croix Rouge, qui en assurent ainsi la sécurité. Mais également d’entreprises privées qui concourent à la formation au digital (au niveau de la pratique) et proposent des emplois à distance à des talents jusque-là inexploités par ce secteur en extrême croissance et en recherche permanente de nouvelles recrues.

Le label de programmation équitable « Fair programming », quant à lui, apporte un avantage d’image aux entreprises employant ces personnes sujettes à discrimination. Il permet aux consommateurs de favoriser les produits réalisés sous ce label depuis ces centres CDS, compensant ainsi l’investissement des entreprises dans ces derniers.

Un centre sera labellisé « Fair programming » s’il permet concrètement :

  • L’inclusion sociale dans l’accès au travail, en privilégiant les personnes discriminées de ces quartiers difficiles.
  • Un impact environnemental dans le travail et la formation à distance, à travers ces centres partagés.
  • Un accès à des outils de travail de qualité.

Quand un service dispose du label « Fair programming », il y a au moins 30% de la matière première du service digital qui est réalisé par des personnes qui sont dans ces centres certifiés.

Pour vous donner un exemple concret de travail réalisé par les CDS, le Secours populaire nous a demandé de développer leur plateforme « Panier paysans », une initiative portée par Jean-Michel Fouillade, et de former des jeunes qui vont la gérer.

En savoir plus sur ces centres de formation et de travail à distance (vidéo)

Combien de jeunes ont bénéficié de ce programme ?

Le premier centre de formation pilote a été implémenté avec l’aide de la Croix Rouge à Ciudad Delgado, El Salvador et son succès a entraîné l’investissement de plus de 4 Millions de dollars de la part d’USAID, association gouvernementale américaine, pour la création de centres dans 8 villes différentes du Salvador. Depuis, plus de 3 000 jeunes, de 18 à 29 ans, ont été formés. Les meilleurs ont été sélectionnées pour des stages ou des emplois en alternance dans des entreprises locales.

Comment avez-vous pu le développer ? Quels soutiens avez-vous reçu ?

C’est très compliqué de mettre en place une ONG au Salvador car de nombreuses ONG sont utilisées pour blanchir de l’argent.

Aujourd’hui, nous attendons l’aide du Vice-président Salvdorien qui va nous permettre d’officialiser l’ONG au Salvador.  

Nous sommes également en train négocier, avec le gouvernement salvadorien, la mise en place d’une norme pour labelliser le « Fair programming » au sein de l’administration. L’idée serait que les institutions publiques imposent dans leurs marchés publics de projets informatique la “Programmation équitable”, ce qui permettrait de créer davantage d’emplois technologiques dans tout le pays. Ainsi les entreprises qui remporteront les marchés, quelques soit leur taille ou leur pays d’origine, devront embaucher des jeunes Salvadoriens. Les entreprises qui satisfont à cette exigence disposeront alors du label Fair Programming, qui équivaut à une garantie telle que ISO 9000, qui détermine la qualité et le soutien social, un élément très bien reconnu par d’autres entreprises au niveau international.

Le projet a déjà été présenté au vice-président de la République, Felix Ulloa, qui s’est montré intéressé par sa promotion, en appui avec d’autres institutions et une coopération internationale.

Quels conseils donneriez-vous aux projets d’intérêt général que des Français de l’étranger souhaiteraient lancer ?

Pour lancer des projets d’intérêt général au Salvador comme en Amérique latin, je pense qu’il est vraiment nécessaire d’être en contact avec des français qui vivent dans le pays depuis longtemps et qui ont une bonne image. Je conseillerai par exemple d’être en lien avec les réseaux des conseillers au commerce extérieur de la France, être en relation avec les ONG sur place, et bien entendu, entrer en contact avec les conseillers consulaires.

En quoi avez-vous l’impression de participer au rayonnement du Salvador ?

Les deux programmes conçus permettent un véritable changement de paradigme : c’est le dispositif qui s’adapte aux personnes discriminées et à leur situation et non l’inverse. Ainsi l’acquisition des compétences pour un emploi d’avenir (dans le digital), adaptée aux contraintes extrêmes des conditions de vie, est rendue possible pour ces personnes.

Ces programmes permettent ainsi une revalorisation des zones considérés comme extrêmement dangereuses, par l’émergence de talents et le développement d’activités.

Ces deux programmes permettent ainsi de redorer l’image du Salvador et de montrer que le pays se développe, évolue aux profits des plus discriminés et en défendant des valeurs sociétales forte comme l’inclusion, l’environnement et l’accessibilité en gardant notamment les jeunes dans le pays.

Enfin, ces programmes redonnent confiance aux jeunes. Avec l’association UNSAID, Nnus avons d’ailleurs lancé une grande campagne de communication, format vidéo qui s’appelle « #YoPuedo quedarme », en français « je peux rester », pour mettre en valeur des parcours de jeunes qui ont réussi à trouver un emploi au Salvador.

Quels sont vos projets futurs ?

Actuellement, l’ONG « Fair programming » est française. Je suis en train de créer une branche opérationnelle, qui va être implantée au Salvador dans un quartier très dangereux mais en pleine croissance avec beaucoup de jeunes.

Nous avons signé un contrat avec la Croix Rouge en Suisse qui va lancer le 1er projet de centre de formation et de travail à distance là-bas. Actuellement, nous travaillons également avec la Croix Rouge pour la mise en place d’un centre pilote en Colombie.

Dans quelques années, j’espère lancer le premier centre de « Fair programming » dans les quartiers Nord de Marseille, ma région d’origine.

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