[Analyse] Proposition de loi empreinte environnementale du numérique

[Analyse] Proposition de loi empreinte environnementale du numérique

La loi Climat et Résilience votée en avril ne contenait pas de dispositions relatives à la sobriété numérique. J’avais alerté sur cette omission dans une tribune et déposé un nombre important d’amendements.

Grâce à la mobilisation de la société civile, des députés du collectif Ecologie Démocratie Solidarité et des sénateurs, le gouvernement a inscrit à l’ordre du jour la proposition de loi du sénateur Patrick Chaize relative à l’empreinte environnementale du numérique.

L’impact du numérique sur l’environnement est réel

Avant de nous plonger dans le détail de la proposition de loi portée par le sénateur Patrick Chaize, relative à l’empreinte environnementale du numérique, il me semble important de donner des éléments de contexte s’agissant de cette “empreinte” :

  • Le numérique n’est pas immatériel : ce sont des millions d’appareils qu’il faut produire, puis alimenter en électricité – sans parler des km de câbles nécessaires pour les relier, les datacenter, etc. 

  • Le numérique serait aujourd’hui à l’origine de 3 à 4 % des émissions de GES au niveau mondial.

  • Les impacts environnementaux de ce secteur augmentent vite, avec un triplement des émissions de gaz à effet de serre entre 2010 et 2025, passant ainsi de 2% à 6 % des émissions de l’humanité (source GreenIT).

Trois priorités doivent guider notre action concernant l’impact environnemental du numérique

Globalement, les chiffres sur l’impact environnemental du numérique sont nombreux et complexes (nuances entre impacts en termes de GES et d’extraction de ressources, par exemple). Il n’est donc pas rare qu’ils soient galvaudés… Je m’appuie, à cet égard, sur les travaux de GreenIT ; selon eux, les deux principales sources d’impact du numérique sont, d’une part, la fabrication des terminaux (80% de l’impact), et d’autre part, la production d’électricité destinée à alimenter les équipements et les réseaux (20% de l’impact).

Eu égard aux sources principales d’impact du numérique, je suis convaincu qu’il faut avancer, sur ce sujet, avec la stratégie suivante :

  1. Priorité à l’allongement de la durée de vie des produits : améliorer la durabilité, encourager le réemploi (reconditionné), lutter contre l’obsolescence, etc. 

  2. Optimiser l’utilisation des services numériques pour en limiter l’impact, ce qui passe notamment par l’écoconception des sites web, des applis, des box (mise en veille ou mutualisation dans les immeubles), etc.

  3. Améliorer l’information du consommateur et ainsi aller vers une régulation par la donnée.

La proposition de loi sur l’empreinte environnementale du numérique prévoit des avancées importantes :

Voici les principales mesures présentes dans la proposition de loi : 

  • Faire passer la garantie légale de conformité de 2 à 5 ans pour les biens numériques (téléphones, ordinateurs, etc.) (article 11)

  • Obliger les constructeurs de téléphone à fournir des mises à jour pendant au moins 5 ans, contre 2 ans aujourd’hui pour lutter contre “‘l’obsolescence logicielle” (article 9)

  • Mettre en place une TVA réduite sur les produits électriques et électroniques reconditionnés (article 14)

  • Exempter de la rémunération pour copie privée les biens reconditionnés (article 14 bis B)

  • Durcir le délit d’obsolescence programmée (articles 6 et 7)

  • Dissocier le prix du terminal et du forfait mobile pour les offres subventionnées (article 14 bis)

Mes amendements sont issus d’un travail croisé avec la société civile

Mes amendements sont issus d’un travail étroit avec la société civile, avec des associations comme Halte à l’obsolescence programmée, GreenIT, etc. 

  1. Distinguer les mises à jour de sécurité des téléphones des mises à jour « de confort » : c’est un moyen efficace de lutter contre l’obsolescence logicielle des terminaux

  2. Permettre le remplacement facile des batteries et des écrans des téléphones 

  3. Créer une consigne pour les téléphones portables

  4. « Chèque-réparation » pour appareils électroniques

  5. « Bonus » pour l’achat d’appareils reconditionnés

  6. Garantir l’accès aux API des objets connectés

  7. Obligation de réemploi pour les matériels électroniques des administrations (mini 20 % )

  8. Interdiction de l’autoplay

  9. Référentiel d’éco-conception des services numériques pour les administrations et les grandes entreprises 

  10. Aller vers la mutualisation des box télécomes dans les immeubles collectifs et mettre en place un un dispositif de mise en veille automatique des box et décodeurs TV

  11. Obligation d’ouverture des codes sources dès lors qu’il n’y a plus de mises à jour

  12. Interdiction des panneaux publicitaires numériques

  13. Instauration d’un « malus » frappant les écrans de grande taille

  14. Interdiction des offres mobiles subventionnées (« téléphones à 1 euro »)

  15. Interdiction des pratiques rendant impossible l’installation de certains logiciels

  16. Avancer à 2021 la définition des objectifs de recyclage, de réemploi et de réparation des biens comportant des éléments numériques

En conclusion, ma position sur ce texte sera d’être constructive et exigeante. Constructive car je dépose de nombreux amendements afin que le texte conserve toute son ambition. Exigeante car j’ai constaté, dès le passage en commission du développement durable du texte, que le rapporteur pour avis a déposé des amendements de suppression sur des dispositions clés du texte, à l’instar de l’article 11 sur l’allongement à 5 ans de la garantie légale de conformité – celui-ci est pourtant le fruit d’une concertation sérieuse avec des acteurs engagés de la société civile – ou encore sur les possibilités de séparer les mises à jour de sécurité des mises à jour de confort.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

© 2019 Paula Forteza - Députée des Français d'Amérique latine et des Caraïbes