[Mon discours] – Proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement
Dans le cadre de l’étude, en deuxième lecture, de la proposition de loi allongeant les délais d’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) de 12 à 14 semaines de grossesse, je me suis exprimée lors de la discussion générale pour apporter tout mon soutien au texte porté par ma collègue – et amie – Albane Gaillot.
Retrouvez mon discours ci-dessous.
Monsieur le Ministre,
Mesdames les rapporteures,
Chers collègues,
L’ironie du destin veut que je vous parle aujourd’hui d’IVG avec un gros ventre, puisque je suis enceinte de 8 mois. Mais cette grossesse, elle a été choisie, elle a été voulue. Et si je suis là aujourd’hui devant vous, c’est parce que j’ai pu avoir recours par deux fois à l’IVG dans ma jeunesse (nous sommes plusieurs à en témoigner ces derniers jours). Alors, les conditions matérielles, physiques, émotionnelles n’étaient pas réunies pour que je puisse poursuivre un projet de maternité heureux, et je ne serais certainement pas devant vous en tant que députée ce soir si je n’avais pas eu à l’époque la possibilité d’avoir la maîtrise de mon corps et de mon destin.
Comme moi, énormément de femmes ont recours à l’IVG en France au quotidien, mais d’autres ne peuvent malheureusement pas y accéder par manque de temps. Et ce trop souvent à cause de défaillances de l’Etat et des services publics, comme cela a pu être relevé par les travaux menant à cette proposition de loi.
En effet, une fois le délai de douze semaines passé, aucune solution ne se présente aux femmes souhaitant recourir à une IVG. Manque de praticiens, déserts médicaux, entraves ou encore manque d’informations sont autant de difficultés rencontrées par les femmes faisant face à une grossesse non-désirée.
La crise sanitaire a accentué les difficultés rencontrées par les femmes sur le terrain. L’asphyxie des services de santé ces derniers mois a mis au second plan les autres interventions médicales.
Un rapport sénatorial présenté au mois d’octobre a également pointé très clairement le manque de gynécologues, heureusement suppléés en partie par les sages-femmes et les pharmaciens, dans certaines zones rurales françaises. En tout, ce sont plus de 13 départements qui n’ont plus de gynécologues médicaux.
Ce manque flagrant de moyens pourrait être comblé par l’extension de la compétence des sages-femmes à la méthode chirurgicale d’IVG jusqu’à la dixième semaine de grossesse. Pratique qui n’est pas encore autorisée aujourd’hui.
Triste résultat : chaque année, entre 3 000 et 5 000 femmes quittent la France pour se faire avorter à l’étranger, nous apprend la Délégation des droits des femmes.
Au-delà d’un allongement des délais légaux d’IVG, cette PPL tend également à rendre l’ensemble des professionnels de santé acteurs et actrices du parcours des femmes, en obligeant celles et ceux qui refusent de pratiquer une IVG à orienter la patiente vers une structure ou un professionnel pratiquant l’avortement.
Ces propositions d’amélioration jouissent d’un large écho. Ce texte est soutenu par des associations, des professionnels de terrains et, je m’en réjouis, des élus de presque tous les bords politiques.
Je regrette cependant le manque de soutien de la majorité sénatoriale sur cette question et plus particulièrement le comportement confiscatoire du groupe Les Républicains.
Rappelons-le, ce texte n’avait pas pu être étudié en 2nd lecture en février. Après avoir simplement refusé de débattre en première lecture au Sénat, les député.e.s Les Républicains ont cette fois-ci déposé quelque 400 amendements volontairement inopérants, empêchant de fait la tenue d’un débat intelligible et productif.
Je veux aussi vous parler de ma circonscription : l’Amérique latine et les Caraïbes. Là-bas, les femmes y sont davantage confrontées aux violences sexistes et sexuelles que le reste du monde et le droit à l’avortement est loin d’être un fait accompli, au contraire, c’est un combat qui ne cesse d’être mené.
En Argentine, par exemple, grâce aux militantes féministes et à leurs fameux “foulards verts” le droit au recours à l’IVG généralisé pendant les quatorze premières semaines de grossesse a été voté en décembre dernier. Alors que les pays qui font leurs premiers pas en termes de droits sexuels et reproductifs installent un nouveau “standard” en termes de délais à 14 semaines. N’en faisons pas moins en France !! Protégeons les acquis de la loi Veil et d’un droit qui, après 50 ans, semble aussi pratiqué que fragilisé.
D’autres combats devront suivre celui-ci, concernant notamment l’accompagnement des femmes pendant la grossesse, une fois que celle-ci a été choisie. Nous avons commencé à détailler des propositions, dans le cadre d’un budget genré, pour reconnaître et soigner les maux des 3 premiers mois de grossesse, pour investir dans la recherche concernant les femmes enceintes, pour améliorer l’aménagement des conditions de travail pour les femmes enceintes ou encore pour améliorer la prise en charge de la grossesse par la sécurité sociale.
Si je vous parle de cela aujourd’hui, c’est parce qu’il est temps de faire éclater ces tabous. La première génération de féministes à dû cacher et faire oublier le corps des femmes pour pouvoir devenir sujet de droit et non de possession.
Aujourd’hui, notre nouveau combat doit être celui de la réappropriation et de la célébration du féminin. Celui de la visibilisation du corps des femmes et des difficultés ou injustices qui peuvent lui être associées.
Un dernier mot pour remercier ma collègue – et amie – Albane Gaillot de son travail, l’ensemble de mes collègues EDS pour avoir permis d’initier le débat sur ce texte, ainsi que les nombreuses femmes (malheureusement pour l’instant presque QUE des femmes comme le prouve le déroulé de cette Discussion Generale) et associations mobilisées sur ce sujet.
Faisons honneur ce soir aux femmes partout en France !
Merci.
One Reply to “[Mon discours] – Proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement”
Madame Forteza
Congratulations et mille fois bienvenue votre bébé qui a été conçu par le désir y dans l’ amour de sa maman comme tous les enfants doivent venir au monde.
Et merci pour votre intérêt pour les femmes de Amérique Latine qui luttent pour leurs droits