[DataClimat] – 1ère fiche sur l’évolution de la surface forestière en France
Au mois d’août 2021, le GIEC a présenté la première partie de son dernier rapport au sein duquel il dresse un constat sans appel : les effets du réchauffement climatique vont s’accélérer et ce, quel que soit le rythme de baisse des émissions de gaz à effet de serre (GES). Cette dernière injonction rappelle l’urgence de la mobilisation nécessaire pour transformer radicalement nos modes de vie mais aussi l’urgence de faire de l’écologie la priorité et le cœur des prises de décisions.
J’ai ainsi lancé, au début du mois de septembre 2021, l’initiative #DataClimat. Face à l’urgence écologique, elle vise à permettre au plus grand nombre de s’emparer des données climatiques. Une première étape a été lancée au travers d’un site dédié, dataclimat.fr, qui permet de visualiser de manière interactive des simulations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et de Drias, les futurs du climat, à l’échelle du territoire français.
Aujourd’hui, nous présentons une première fiche thématique relative à l’évolution de la surface forestière en France, réalisée à partir de données ouvertes par l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN). Nous remercions chaleureusement Magalie Lèbre, Laurent Toustou et Antoine Colin, tous les 3 membres de l’IGN, pour leur aide et leurs précieux conseils !
La filière forêt-bois au service de la lutte contre le changement climatique
La filière forêt-bois joue un rôle important d’atténuation des effets du changement climatique ; on estime en effet que la forêt française permet de compenser chaque année 20% de nos émissions de CO2. Trois mécanismes principaux, d’origine naturels ou humains, font du développement de cette filière un enjeu important sur le long-terme s’agissant du dérèglement climatique :
La séquestration, qui correspond à un mécanisme entièrement naturel par lequel la forêt capte le CO2 de l’atmosphère dans le bois des arbres
Le stockage, qui fait référence à la partie du CO2 qui reste stockée dans les produits bois issus de l’exploitation des arbres.
La substitution, qui consiste à utiliser du bois pour la construction / pour nos besoins énergétiques afin d’éviter le recours à d’autres matériaux dont l’exploitation émet plus de gaz à effet de serre
Ainsi, l’adaptation des forêts et de la filière forêt-bois de manière générale au changement climatique constitue un enjeu majeur pour les années à venir. Et le rôle joué par l’IGN est fondamental puisqu’il génère l’Inventaire Forestier National, dont les observations sont cruciales pour orienter les politiques de développement des forêts françaises.
La diversité des essences forestières au service de l’écosystème forestier
Une essence forestière correspond de manière générale à une espèce d’arbre. Elle peut également désigner une variété dont les propriétés représentent un intérêt particulier. L’inventaire forestier de l’IGN précise que “la forêt française métropolitaine est majoritairement une forêt de feuillus, dont les peuplements représentent 67 % de la superficie forestière (9,9 millions d’hectares)”.
Les feuilles des arbres dits “feuillus” sont bien développées, comme les platanes, par opposition aux arbres dits “conifères” ou “résineux”, comme les pins, dont les feuilles ressemblent plus à des aiguilles.
La diversité des essences d’une forêt – on les appelle forêts mixtes lorsqu’elles sont constituées à la fois de feuillus et de résineux – est un moyen naturel de préserver l’écosystème forestier. En effet, chaque essence réagit de manière différente aux nouvelles contraintes liées au changement climatique, parmi lesquelles les augmentations de températures (et donc les risques de feux de forêts), les parasites ou les maladies.
Cette première visualisation, consacrée à la répartition du volume des essences forestières françaises et basée sur des données ouvertes de l’inventaire forestier de l’IGN, permet de constater l’évolution des essences forestières en France. Bien que le volume de bois en forêt évolue positivement, la part des essences feuillus représente la majorité de cette évolution. Et c’est une bonne nouvelle ! Si les feuillus poussent plus lentement que les résineux, ils vivent néanmoins plus longtemps et stockent ainsi le CO2 sur de plus longues périodes.
L’évolution du taux de boisement, un indicateur important d’absorption du CO2
Dans la perspective d’utiliser les ressources forestières comme des outils de lutte contre le changement climatique, augmenter le taux de boisement semble être un enjeu à part entière. Aussi, la deuxième visualisation réalisée à partir des données IGN représente l’évolution du taux de boisement en France.
Selon l’Office National des Forêts, un hectare de forêt permet d’absorber entre 6 à 15 tonnes de CO2 par an. Cette deuxième visualisation, consacrée au taux de boisement en France métropolitaine, nous montre son évolution positive au cours des quarante dernières années. Bien qu’inégalement répartie à l’échelle du territoire, le taux de boisement est ainsi passé de 23.4% en 1982 à 28.7% en 2017 à l’échelle du territoire métropolitain.
La séquestration carbone, un mécanisme insuffisant pour compenser nos émissions
Alors qu’en 2017, la France a émis plus de 335 millions de CO2, il est nécessaire de réfléchir à des mécanismes de compensation (mentionnés plus haut). En effet, comme visible en vert sur cette visualisation, environ 60 millions de tonnes de CO2 supplémentaires sont chaque année “mis sous cloche” dans les forêts françaises, soit 18% de nos émissions. Il s’agit du mécanisme de séquestration, qui correspond à la captation du CO2 par le bois des arbres.
Si ce chiffre est en légère hausse, c’est avant tout parce que le volume total de bois présent en forêt a augmenté (cf. première visualisation). Nous ne pouvons néanmoins être pleinement optimistes quant à l’objectif d’une neutralité carbone uniquement grâce à la séquestration du carbone dans nos forêts.
En plus de servir de puit de carbone, la filière bois-forêt peut jouer un second rôle majeur dans la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre grâce à l’effet de substitution. Utiliser du bois dans la construction de nos logements plutôt que du béton réduirait d’au moins 50% les émissions carbones liées à la construction. Également, produire de l’énergie grâce au bois plutôt que d’autres combustibles a permis d’éviter l’émission de plus de 9 millions de tonnes de CO2 en 2019 selon France Bois Forêts. Au total, c’est une réduction annuelle de plus de 30 millions de tonnes de CO2 qui est atteinte par l’usage du bois en tant que matériau de construction et en tant que source d’énergie.
Continuer de toujours mieux optimiser l’utilisation de nos ressources pour à la fois contenir et réduire nos émissions de gaz à effet de serre grâce à la filière bois-forêt est avant tout une question de politiques publiques. C’est l’une des missions des Assises de la forêt et du bois, ouvertes le 19 octobre 2021.