[Mon discours] PPL visant à plus de justice et d’autonomie en faveur des personnes en situation de handicap
Dans le cadre de l’étude du Projet de loi visant à plus de justice et d’autonomie en faveur des personnes en situation de handicap, je me suis exprimée lors de la discussion générale.
Retrouvez mon discours ci-dessous.
Madame la Ministre,
Monsieur le rapporteur,
Chers collègues,
Le projet de loi qui nous occupe aujourd’hui prévoit une individualisation de l’allocation adulte handicapé, actant par là que cette allocation ne sera plus calculée en fonction des revenus du conjoint et que la prestation de compensation du handicap sera élargie aux nouvelles formes de handicap.
L’autonomie des personnes en situation de handicap est un enjeu central et majeur pour une société plus sociale et plus inclusive, et c’est pourquoi je tenais à affirmer aujourd’hui mon soutien à cette proposition de loi.
Le système actuel reflète une réelle injustice dénoncée depuis longtemps par les associations du monde du handicap et toutes les citoyennes et citoyens mobilisés sur ce sujet. En effet, il rend nos concitoyens en situation de handicap dépendants de leurs conjoints.
Et c’est la raison pour laquelle, cet enjeu sociétal majeur doit dépasser les clivages politiques habituels. C’est un message que nous devons adresser aux plus fragiles. Il en va de leur droit de vivre dignement et de manière indépendante.
Je regrette le manque de soutien de la majorité sur la question de la déconjugalisation : au-delà d’une question de budget ou de montage financier il s’agit là d’une injustice structurelle pour les personnes en situation de handicap.
En effet, ce texte contient des mesures qui contribueront à améliorer le quotidien de nombre de nos concitoyens. Nous parlons aujourd’hui de 270 000 personnes qui pourraient être impactées par cette modification de la loi.
Cette allocation, rappelons-le, n’est pas un minimum social comme les autres mais un revenu de remplacement pour des personnes qui ne peuvent pas travailler en raison de leur handicap. Alors comment comprendre la baisse de ce montant parce qu’on n’est plus célibataire ?
Parce qu’individualiser l’allocation adulte handicapé permettra une autonomie financière au sein du couple, elle semble simplement aller dans le sens de l’histoire. Vous l’avez souligné, Monsieur le Rapporteur, c’est une mesure qui s’avère d’autant plus primordiale lorsqu’on sait que les femmes victimes de violences conjugales sont sur-représentées parmi les personnes handicapées.
En effet, aujourd’hui en France, 80 % des femmes en situation de handicap seraient victimes de violences, principalement au sein de leur domicile, d’après l’association Femmes pour le dire, femmes pour agir (FDFA). Qu’elles soient physiques, verbales, psychologiques, sexuelles, médicamenteuses, alimentaires ou économiques … Toutes ces violences se voient renforcées lorsqu’elles concernent des femmes en situation de handicap.
Pour illustrer de manière très concrète cette question : selon une estimation de l’Union européenne, les violences physiques ou sexuelles, concernaient 19% des femmes valides contre 34% des femmes handicapées en 2014.
Alors que la société prend de plus en plus conscience de l’ampleur des violences conjugales et des ressorts psychologiques à l’œuvre, la prise en charge des femmes en situation de handicap victimes de violences reste dans un angle mort de nos politiques publiques. Il semble bien qu’en 2021, la loi sociale n’a pas encore pris toute la mesure de ce qu’étaient les violences intra-familiales et ce qu’elles recouvraient : les dépendances morales et économiques des victimes, la peur des représailles aussi, qui les empêche de s’émanciper.
Parce que c’est bien d’émancipation, d’indépendance et de dignité dont nous débattons aujourd’hui et ce, pour toutes les personnes en situation de handicap. Dans un principe de réalité concrète, cette mesure est une garantie d’une meilleure protection des femmes en situation de handicap victimes de violences, conséquence intrinsèque de cette soumission financière. Mais aussi, à toute personne qui veut porter, à juste titre, son indépendance économique, au sein de son couple.
Si je dois saluer les avancées que portent ce texte, il me semblait cependant devoir soulever un point majeur et persistant autour de cette aide qui n’est pas véritablement traité ici : la nécessité de veiller à la bonne application de part en part de cette aide cruciale.
En effet, en tant que députée des Français d’Amérique latine et des Caraïbes, je sais les difficultés rencontrées par nos concitoyens établis hors de France pour percevoir cette allocation. Et de nombreux témoignages en attestent.
Par exemple et ce de manière très concrète, pour bénéficier de ces allocations, les Français de l’étranger handicapés doivent être reconnus auprès d’une maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Ainsi, ces maisons départementales se retrouvent dans la nécessité de créer une adresse fictive en France pour le bénéficiaire puisqu’il n’est pas prévu la possibilité de déclarer une adresse à l’étranger. Et tout cela ajoute au temps d’examen des dossiers qui peuvent prendre aujourd’hui jusqu’à 9 mois.
Dans le même ordre d’idée, les formulaires de demande de carte d’invalidité ou d’attestation requièrent un numéro de sécurité sociale. Mais beaucoup de nos compatriotes établis hors de France ne sont pas nés en France, n’y ont jamais résidé et n’ont donc pas ce numéro. Loin de la métropole, les Français de l’étranger subissent parfois isolement supplémentaire et cela nécessite que nous y prêtions absolument attention.
Aussi, le contexte de la pandémie nous a rappelé qu’il devient urgent de renforcer la dématérialisation des démarches administratives telles que les dossiers de demande de reconnaissance du handicap. Les procédures administratives sont encore trop longues et compliquées pour nos concitoyennes et concitoyens. Nous devons y remédier.
C’est pourquoi j’attire aujourd’hui l’attention du gouvernement sur cette question majeure : au-delà des mesures nécessaires d’adaptation de cette aide à l’heure des transformations du 21ème siècle, il est urgent d’aller plus loin encore dans le suivi de nos lois pour un déploiement plus juste et inclusif de ces aides et de leur application.